MADURO, UN GÉANT EN MINIATURES
Le parc Madurodam figure parmi les attractions les plus courues de La Haye. Sans doute le connaissez-vous au moins de réputation à défaut de l'avoir déjà visité. Mais savez-vous d'où vient son nom ?
Découvrez ici l'histoire de George Maduro, chevalier des temps modernes au destin brisé.


A l’été 1938, George Maduro a le sourire. Jeune étudiant en droit, il entame des vacances bien méritées. Il lui reste encore du chemin avant d'être diplômé mais il a 22 ans, un vaste cercle d'amis et une fiancée, alors demain semble bien loin. Il va passer son mois d'août aux États-Unis où ses parents ont temporairement élu domicile. Ils ne le savent évidemment pas mais ce seront leurs derniers moments passés ensemble.
L’invasion
Un an plus tard, la peste brune se répand partout en Europe. Formé aux armes lors de longues périodes de service militaire à partir de 1936, Georges fait partie des soldats de réserve de l’armée néerlandaise. Mais il ne va pas rester en retrait longtemps. Il s'enrôle dès le 29 août 1939 comme sous-lieutenant de réserve au 4ème régiment de hussard.
Neuf mois plus tard, les troupes allemandes envahissent les Pays-Bas. L'une de leurs cibles principales se trouve à La Haye. Des soldats sont parachutés à proximité de la ville afin de mettre la main sur la reine et son gouvernement. Cette première opération aéroportée de l'histoire met à mal les défenses néerlandaises. Résolus à défendre leur souveraine coûte que coûte, les soldats oranges tentent néanmoins l'impossible.

Un assaut héroïque
George est envoyé avec ses hommes à la Villa Dorrepaal qui fait face au pont sur le Vliet au sud-est de La Haye. Sa mission est aussi simple que dangereuse. Il doit reprendre la place aux parachutistes allemands qui l'occupent. Ses effectifs sont maigres et son armement limité. Il ne dispose que d’une seule mitrailleuse. L'affaire semble bien compromise et pourtant…
George s'empare de la mitrailleuse. Court derrière un premier abri pour tirer sur la villa. A la fin de la salve, il se précipite jusqu'à un autre asile d'où il mitraille la maison. A peine a-t-il retiré son doigt de la gâchette qu’il bondit hors de son couvert. Il enchaîne ainsi les rafales et les endroits. Attaqués de toutes parts, les Allemands imaginent des assaillants en nombre. Ils se croient encerclés. Leur riposte faiblit à mesure qu'ils partent se terrer dans la cave. George profite de la relative accalmie pour jaillir de sa cachette, traverser le pont et prendre d'assaut la villa.
Ses hommes et lui parviennent ainsi à déloger leurs ennemis puis à les faire prisonniers.
Cet acte de bravoure sera l'une des victoires hollandaises lors de l'invasion allemande qui ont permis à la Reine et au gouvernement de quitter le territoire néerlandais sain et sauf.
Malheureusement, cela n'empêche ni la capitulation ni l’occupation du pays par les forces de l’Axe.
La lutte continue
La fin des hostilités ne change rien dans l’esprit aventureux de George. Pour lui, la lutte ne doit pas cesser tant qu’une botte allemande foulera le sol néerlandais. Il refuse notamment de s’enregistrer comme prisonnier de guerre, ce qui lui vaudra une première incarcération au fameux Hôtel Oranje.
A peine libéré, George feint de reprendre son train-train quotidien d’étudiant alors qu’en réalité, il a déjà rejoint la résistance. Il va ainsi être l’auteur de plusieurs vols d’armes dans des casernes allemandes. Espion à ses heures perdues, il recueille également des renseignements sur les cibles potentielles pour l’aviation anglaise.
En mai 1941, George est arrêté à Leyde. On l’amène une nouvelle fois à l’Hôtel Oranje. Il va y rester sept mois et demi dont une bonne part à l’isolement. On va le “questionner” mais George ne lâchera rien. Emprisonné, abandonné par sa petite amie qui se tourne vers un autre homme, George tient bon malgré tout. Et quand il sort de prison, plus rien ne l’empêche de franchir un pas supplémentaire dans la résistance en entrant dans la clandestinité.

Trahison
Muni de faux papier, bougeant de cachettes en cachettes, George refuse pour autant de se terrer. Il continue à se promener dans la rue, à prendre le train, sans évidemment jamais porter l’étoile jaune. Il ira même, symboliquement, jusqu’à découper la lettre J sur sa carte d’identité.
A partir de l’été 1942, les choses se compliquent. Les Nazis ratissent le pays à la recherche des Juifs encore présents sur le territoire. Ses actions de résistance le mettent par ailleurs chaque jour un peu plus en danger. Bientôt, il devient évident que George doit quitter les Pays-Bas et continuer la lutte ailleurs.
Il planifie une fuite vers l’Angleterre avec un de ses meilleurs amis, lui aussi engagé dans la lutte contre les Allemands. En juin 1943, les deux jeunes hommes partent en Belgique où ils rejoignent un passeur. Après quelques jours d’attente, ce dernier les emmène en train jusqu’à Charleville-Mézières, dans le nord de la France, avant de les confier à un autre agent. Celui-ci les prend en charge et, le temps de la correspondance vers Paris, les entraîne dans une maison à proximité pour attendre en sécurité. Mais George et son ami en repartiront le ventre vide et les mains liées. L’agent est une taupe au service des Nazis et nos deux héros viennent de se faire arrêter.
Destination finale
D’abord emprisonné à Sarrebruck comme “criminel passible de la peine capitale”, George sera emmené en novembre 1944 à Dachau. Son état de santé s’est déjà fortement dégradé. “Lorsque nous avons été pesés à Sarrebruck en mars ou avril 1944, nous ne pensions tous les deux que 59 kilos”, se souvient son ami Oncko.
Affaibli, George tombe malade dès son arrivée à Dachau. Il y succombera des suites du typhus le 9 février 1945, quelques mois seulement avant la libération du camp. Il avait 28 ans.
Ses parents n’apprendront son décès que plusieurs mois après la fin de la guerre. Ils recevront un certificat de décès à la froideur toute administrative le 9 octobre 1945. “Par la présente, il est certifié que l'ancien prisonnier du camp de concentration de Dachau M. Maduro George, né le 15 juillet 1916 à Curaçao, arrivé à Dachau le 25 novembre 1944, ex-prisonnier n° 133401, est décédé le 9 février 45 et à été incinéré au crématorium du camp”.
En mai 1946, George Maduro est décoré à titre posthume du titre de chevalier de l’Ordre militaire de Guillaume, l’une des plus hautes distinctions néerlandaises. Pour autant, ses parents ne veulent pas se contenter de cette médaille et entendent faire vivre la mémoire de leur fils.
Ainsi, ils apportent le capital initial pour la création d’une village miniature, à La Haye, qui portera le nom de leur fils. Madurodam naît en 1952. La reine Béatrix sera le premier maire de ce village / elle abandonnera l'écharpe quand elle sera couronnée / dont les profits ont d’abord servi à recueillir des fonds pour les enfants atteints de tuberculose. Madurodam n'a d'ailleurs jamais cessé de poursuivre ses bonnes œuvres. Depuis sa création, le parc a ainsi récolté plus de 32 millions d’euros au bénéfice d'œuvres caritatives en faveur des enfants.
