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LA NAVY, AMÈRE, A TERRE 

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Réplique du Batavia, un navire hollandais typique du XVIème siècle

Les relations anglo-néerlandaises ont mis du temps à s’apaiser. Au XVIIème, Anglais et Néerlandais se chamaillent encore souvent. Et, pierre qui roule n'amassant pas mousse, les taquineries se transforment vite en échauffourées, en escarmouches voire en batailles. Puis vient la guerre, logiquement. 

Les deux nations s’affrontent dans un premier conflit de deux ans, entre 1652 et 1654, durant lequel ils ne mènent que des affrontements sur mer. Une évidence puisque l’Angleterre et la République des Sept Provinces Unies se disputent la main mise sur les mers et les océans du monde entier ! 

L’Angleterre ressort comme la grande gagnante de ce premier conflit. Mais les Provinces Unies n’ont pas dit leur dernier mot…

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Un marchand néerlandais attaqué par un corsaire anglais, 1616, Cornelis Claesz van Wieringen

Santa Maria !

A l’automne 1664, la Santa Maria, grand navire marchand sous pavillon amstellodamois, rentre d’Italie accompagné d’autres bateaux de commerce. Alors que le convoi s’approche des rives de Cadix, le capitaine de la Santa Maria, Lucas Pruijs, sifflote peut-être un air de cabaret andalou en dardant son regard azuréen sur l’horizon et ses promesses quand, tout d’un coup, le dessin de voiles apparaît au loin. 

S’emparant d’une longue vue, Lucas découvre avec inquiétude des pavillons anglais. Cette seule information a de quoi le tracasser. La formation d’attaque des navires britanniques augmente son anxiété. Ses hommes ne sont pas plus optimistes. Ils sont quarante à bord, armés d’une vingtaine de canons, mais ce qui suffit à faire fuir les pirates barbaresques n’a que peu de chance de triompher de la puissante flottille anglaise qui s’approche. Les hommes jettent l’éponge. Dépité, le capitaine tire deux boulets symboliques avant de se rendre.

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"Portrait des rivières de Londres, Chattam ou Rochester" publié à Masterdam par Jacob Vinckel en 1667

Un raid dingue

Ce genre de captures se multiplient jusqu’au printemps 1665, tant et si bien que la République des Sept Provinces Unies déclare officiellement la guerre à l’Angleterre.

Comme lors du premier conflit, tout va se passer sur mer. Les flottes des uns et des autres fendent la brise pour attaquer les marchands du camp d'en face ou protéger les siens traqués par ceux-là même que l'on essaie de voler. Ce jeu du voleur et du voleur est entrecoupé régulièrement par de grandes batailles navales, de victoires et de défaites. 

Et, parfois, on assiste à un coup d’éclat !

Celui qui nous intéresse mûrit dans la tête de Johann de Wit depuis des années. L'homme fort de la République des Provinces unies entend faire plier les Anglais. Et en 1667, toutes les conditions sont réunies. La peste a ravagé Londres en 1665 causant la mort de plus 75 000 personnes, soit 20% de la population totale. En septembre 1666, un simple feu de boulangerie se transforme en un brasier gigantesque qui ravage la ville. Ces deux catastrophes pèsent fortement sur l’économie anglaise qui peinent à trouver de quoi financer sa flotte et ses équipages. Johann de Wit sait qu’il n’aura pas de meilleure occasion de réaliser son plan qui prend la forme d’un raid en plein cœur du territoire anglais.

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Détails d'un journal néerlandais montrant le raid sur la Medway, Amsterdam, 1667

De Ruyter aux commandes

Michel de Ruyter prend ainsi la mer début juin 1667 avec 64 navires de ligne accompagnés d’une trentaine de navires de plus petites tailles. A leur bord, 17 500 marins bien entraînés et bien payés à la différence de leurs homologues anglais. La flotte apparaît le 6 juin près des côtes anglaises, non loin de l’estuaire de la Tamise. 

Le 9, elle est repérée à Sheerness, à l’embouchure de la Medway. Le lendemain, le duc d’Albemarle envoyé en urgence par le roi Charles II ne peut que constater la faiblesse des défenses. Le château qui protège l’entrée de la Medway manque d’hommes et de munitions alors qu’il doit protéger la chaîne de fer qui bloque le passage. Le fort peut néanmoins compter sur l’aide d’une dizaine de navires anglais mouillés à ses pieds. L’un d’eux d’ailleurs n’est autre que le HMS Sancta Maria, le bateau à l’origine de cette nouvelle guerre, désormais sous pavillon anglais.  

L’armada néerlandaise ne tarde pas à tomber sur le duc, son fort et ses bateaux… pour n’en faire qu’une seule bouchée ! La chaîne cède et les bateaux anglais tombent les uns après les autres. Face au chaos, le duc d’Albemarle ordonne de couler les derniers navires plutôt que de les laisser aux mains des Néerlandais.

Motivés par leurs exploits, les Bataves bataillent de plus belle et parviennent jusqu’au chantier naval de Chatham. La fine fleur de la Royal Navy les attend là. Mais les hommes manquent pour manoeuvrer les navires. Mal préparés, et mal soldés, les équipages anglais ne font pas montre d’une grande opposition. 

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La prise du HMS Royal Charles, Mathias de Sallieth

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Armoiries royales de la poupe du HMS Royal Charles, Rijksmuseum, Amsterdam

Une prise royale

Et les pertes anglaises s’accumulent. Le HMS Royal Charles, navire amiral, est capturé. Trois des plus grands navires de la marine anglaise sont incendiés par des brûlots. Et on ne compte plus les vaisseaux de plus petite taille perdus, incendiés, coulés ou sabordés. 

Les épaves s’amoncellent et forment bientôt un barrage sur la Medway. Craignant l’arrivée d’une flotte de secours, et plutôt satisfait de son opération, Michel de Ruyters, accompagné notamment par Cornelis de Witt, le frère de Johan, se retire victorieux.

Les Provinces Unies vont largement célébrer cette victoire époustouflante. Le HMS Royal Charles sera exposé au peuple pendant quelques mois. Ses armoiries de poupe sont encore aujourd’hui conservées au Rijksmuseum d’Amsterdam.

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Incendie de la flotte anglaise près de Chattam, Schellinks, 1667, Rijskmuseum

Le Trafalgar anglais

Côté anglais, ce raid est une véritable humiliation. S’ils étaient maîtres de la mer il y a peu encore, les Hollandais ont violemment rebattu les cartes. Ils ont réussi à s’introduire dans les estuaires de la Tamise et de la Medway à seulement quelques dizaines de kilomètres de la capitale. Ils ont coulé ou endommagé une part importante de la marine anglaise. La fière Albion doit accepter une paix loin d’être à son avantage en signant le Traité de Bréda.

Victoire militaire, victoire politique, les Provinces Unies ressortent grandies de ce conflit. Son adversaire est à terre mais fière comme le lion qui le représente, le royaume parviendra à se relever et à disputer de nouveau l'hégémonie des mers au rival néerlandais au cours de deux autres guerres anglo-néerlandaises. 

Affaire à suivre…

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